Gilbert Bastelica, le batteur d’Eddy Mitchell, mais pas que…

Gilbert Bastelica, le batteur d’Eddy Mitchell, mais pas que…

Gilbert, je t’avais surnommé mon palindrome : (tu as eu 74 ans quand j’avais 47 ans)

Tu étais notre chef de chorale (chorale Cantabile) et tu étais mon rayon de soleil chaque Lundi.

Le 19-10-19, sous le peristyle de la mairie, tu m’as embrassé en me disant « ma soeur » (je crois…) le jour de mon mariage ! La plupart des choristes était présents pour chanter « Caroline » sur les partition de « Isoline »….

La dernière fois que nous nous sommes vus, ce fut juste avant le premier confinement, en mars 2020.

J’avais  chanté a capella devant tous les choristes : « de tes rêves à mes rêves » de Linda Lemay

On te regrette, mon Ami !

 

et j’ose partager avec vous l’intégrale de son dernier message à ces choristes de Cantabile. Un testament ?

 »

D E C O U V E R T E

J’avais terminé mon propos précédent sur les origines de la musique en écrivant que la musique agissait sur notre état d’être et même sur notre santé, par l’intermédiaire des hormones produites par les glandes endocrines, même si nous ne l’écoutions pas attentivement.C’est vrai, mais elle agira d’autant plus, si nous l’écoutons attentivement.

Il est devenu parfaitement naturel d’établir dans notre environnement ce que nous appelons « un fond musical », ou même un fond sonore. Une musique que nous n’écoutons pas davantage que nous ne contemplons attentivement les papiers peints qui nous entourent. Ceci est rendu possible aisément grâce aux incroyables progrès des appareils qui nous restituent la musique à domicile. Leur qualité s’est accrue et leur prix a diminué, ce qui fait que l’on peut, avec un budget raisonnable, disposer chez soi d’une écoute confortable.

C’est tellement vrai, tellement facile, tellement accessible, que nous n’y accordons plus l’attention respectueuse dont elle bénéficiait quand son accès était plus rare. L’épisode de confinement que nous venons de vivre nous a montré la valeur de ce dont nous avons été privés. N’oublions pas de nous émerveiller et ne nous habituons pas au merveilleux !

Il nous est possible d’établir à peu de frais un décor sonore dont Louis XIV ne bénéficiait pas. Si l’envie prenait à ce grand monarque de distraire une insomnie vers trois heures du matin, c’est à peine s’il pouvait convoquer quelques musiciens ébouriffés et les disposer autour de son lit royal, pour entendre un peu de musique. C’est de là d’ailleurs que vient le terme de « Musique de chambre » : un effectif réduit, qui pouvait trouver place dans chambre du roi. N’importe qui aujourd’hui, avec des moyens modestes, peut dans une situation semblable, à l’aide d’écouteurs, se régaler de sa musique préférée, ou d’une autre, d’une découverte et sans déranger personne qui plus est.

Généralement, nous sommes portés à écouter ce que nous connaissons, ce que nous savons d’avance correspondre à nos goûts. Nous aimons retrouver une émotion particulière que va nous offrir telle ou telle écoute. Si quelques fois nous nous aventurons vers des écoutes nouvelles, il s’agit seulement d’un morceau nouveau, mais qui se rattache à ce que nous connaissions et apprécions déjà. « J’écoute de tout » J’entends souvent cette affirmation. De tout, oui, mais presque toujours dans le même domaine, le même style ! Nous varions nos écoutes, mais en restant le plus souvent dans le répertoire connu que nous aimons et c’est bien légitime. Découvrir, c’est autre chose. Il faut le vouloir.

Je suggère, je propose, qu’on « ose » de temps en temps un voyage musical vers l’inconnu, et qu’on en fasse une sorte d’expérience intellectuelle et sensorielle. Cette exploration est sans danger, je vous l’assure et je veux bien m’engager à prendre en charge le coût des dommages survenus éventuellement. Le risque n’est pas très grand, je crois et, qui sait si notre curiosité ne sera pas récompensée au-delà de ce que nous imaginions et qui nous laisserait en plus un goût de « revenez-y » ?!

L’idéal, serait que cette première rencontre ait lieu au concert.

Plusieurs conditions seraient réunies au concert, que vous aurez du mal à reconstituer chez vous, même si vous disposez d’un bon matériel d’écoute. Ces conditions, les voici :

  • Vous aurez réservé une plage de temps.

  • Vous aurez déboursé un peu (ou beaucoup ?) d’argent.

  • Vous serez assis (et non pas allongé comme vous seriez tenté de le faire chez vous) et ainsi le petit muscle de l’étrier de votre oreille interne sera dans la meilleure position.

  • Pendant ce concert, vous ne parlerez pas, même à voix basse et vous ne ferez rien d’autre qu’écouter, alors qu’à la maison, il y a toujours quelque chose d’autre à faire !

Quand ce méchant virus aura cessé de nous gâcher la vie, je suggère d’aller écouter par exemple … l’orchestre de Pau qui a su, depuis déjà plusieurs années, proposer des concerts à des prix accessibles (beaucoup moins onéreux que ceux de n’importe quelle star du show business), donnant un répertoire assez classique, qui alternait avec des musiques vers lesquelles la plupart des gens ne vont pas spontanément : des musiques du 20ème siècle. Pour beaucoup des auditeurs, une vraie rencontre s’est opérée avec ces musiques, dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence et qui les ont conquis, ou au moins, intéressés.

Aujourd’hui, en attendant que les concerts reprennent, nous avons accès gratuitement sur Internet à une foultitude de pièces musicales de grande qualité, ce dont nos prédécesseurs n’auraient jamais osé rêver !!

Je viens d’aller chercher un exemple dans la longue liste (incomplète!) des musiciens récents, rarement ou jamais écoutés, en tapant dans la barre Google, le nom de Jacques Ibert, merveilleux compositeur français 1890-1962, injustement oublié et qui mérite notre attention. J’ai écouté avec bonheur : « Escales », dirigé par Léopol Stokovsky. Dans un autre genre, toujours au 20ème siècle, Appalachian Spring de Aaron Copland américain 1900-1990, ou Ned Rorem, autre musicien américain parfaitement inconnu en France, où il passa pourtant quelques années de jeunesse, dont une Symphonie pour cordes (String Symphonie, 2ème mvt : Berceuse) vous séduira peut-être … il y aurait mille autres exemples, tant l’époque foisonne de talents qu’il est vraiment dommage, à mon sens, d’ignorer.

C’est toujours très délicat de découvrir quelque chose de nouveau et parmi ces découvertes possibles, celle d’une musique nouvelle n’échappe pas à la règle. Nouvelle pour nous, s’entend, car il peut tout à fait s’agir d’une musique ancienne, voire très ancienne.

Il faut dans tous les cas une disposition d’esprit d’ouverture.

C’est la clef, la condition. Dans le cas contraire l’échec est assuré.

En premier lieu, il faut en avoir envie évidemment.

Après tout, on peut choisir de se contenter de ce que l’on connaît déjà. C’est dommage à mon avis, mais on est libre d’avoir cette attitude et de s’y tenir. Mais … supposons que vous souhaitiez tenter l’expérience ! Chez vous donc, devant votre ordinateur et avec (si possible) des écouteurs dans les oreilles, vous pouvez vous isoler quelques minutes et éviter de disperser votre attention. Utilisez les exemples que je vous ai indiqués et puis d’autres. Allez chercher sur le web, d’autres références. Aventurez-vous dans l’inconnu !!

« De qui est-ce ? C’est de quelle époque ? De quel pays ? Et les interprètes ? Ça me fait penser à … ça ressemble à … »Toutes ces questions sont légitimes, mais elles seront davantage les bienvenues … plus tard. Ne commencez pas par là. Pour l’instant, le fait même de vous les poser, entrave votre liberté d’accès à la nouveauté. Elles surgissent toutes seules, sans que vous les ayez invitées, d’accord ; mais ne les fixez pas dans votre conscience. Laissez-les disparaître aussi naturellement qu’elles étaient venues. Si vous laissiez autant de liberté à vos jambes qu’à vos pensées, vous pourriez vous retrouver à des kilomètres du lieu où vous aviez initialement choisi d’aller ! Vous n’êtes pas seul(e) à mal maîtriser vos pensées, moi qui fais le malin en vous écrivant, je suis dans le même potage !!

Au lieu de chercher si cela est agréable, essayez de ressentir si ce que vous entendez est intéressant. Simplement intéressant. Essayez de repérer qu’une intelligence, qu’une sensibilité humaine, s’est appliquée à organiser des sons, peut-être … à votre intention ? Soyez curieux et attentifs.

ATTENTION, très IMPORTANT :

Ne comparez pas avec ce qui d’habitude vous plaît.

Cherchez la neutralité et votre écoute s’ouvrira à la nouveauté.

Et, puis vous pourrez écouter une deuxième, une troisième fois … songez que les musiques du passé que vous appréciez aujourd’hui, ont été tout au plus entendues trois ou quatre fois. Le plus souvent, les plus grandes compositions n’ont eu droit qu’à un seul concert !

Mesurez au passage notre privilège de disposer à volonté de ces immenses chefs-d’œuvre !!

Jusque la première moitié du vingtième siècle, la nouveauté (en musique comme en peinture ou au théâtre par exemple …) suscitait des réactions quelques fois violentes. Au moins ces attitudes témoignaient-elles d’un intérêt passionné ! Aujourd’hui, le problème est davantage … l’indifférence. Nous sommes blasés. C’est le défaut naturel des enfants gâtés que nous sommes devenus. Consommateurs rois, pollués par la publicité, pour qui rien n’est jamais trop bon (« Vous le valez bien » !). Comme disait Jean de La fontaine, attention :

« Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute ».

En 1913, le Théâtre des Champs Élysées (qui venait d’être refait à neuf!) fut saccagé par des auditeurs révoltés (!) par la première exécution du « Sacre du printemps » d’un jeune compositeur nommé … Igor Stravinsky. Cette musique fut popularisée quelques décennies plus tard dans un film de Walt Disney : Fantasia. A l’occasion de ce scandale (ou d’un autre du même genre), une voix raisonnable émit une remarque ainsi formulée :

« Quand on aime, on attend la fin pour applaudir. Au nom de quelle liberté s’autorise-t-on à manifester son mécontentement pendantle déroulement du concert, sans attendre la fin ?! »

Voici pour le plaisir, et pour terminer mon petit texte d’aujourd’hui, une jolie citation de Monsieur François Eustache Du Caurroy 1549 – 1609, compositeur (que vous pouvez, lui aussi, entendre sur Youtube, ou par Wikipédia) :

« Les beaux airs, les accords, l’ordre, les consonances

Sont des sens l’hameçon,

Et l’art des liaisons, le terme des cadences

Les met à l’unisson

Admirable concert dont les chants, les parties,

De semblable n’ont rien

Et toutefois chantés par des voix assorties

Ils s’accordent si bien. »

Voila une bien belle définition de la musique en général et du chant choral en particulier!

Prenez soin de vous. Gilbert »

Mort de Gilbert Bastelica